Nous sommes nombreux à être conscients – et inquiets – que l’avenir économique, écologique, politique de notre monde est entre les mains d’hommes à l’égo sur-dimensionné qui, malgré quelques paroles bien choisies pour faire passer les couleuvres, nous emmènent vers un avenir dont la teneur est loin de l’éthique et de la compassion véhiculées par les grands noms du siècle précédent. Ghandi, Nelson Mandela, pour ne citer qu’eux, ou même Bob Dylan, Boris Vian, David Bowie et d’autres artistes, à leur façon ont contribué à faire changer les mentalités, à faire tomber le mur de Berlin…
Qu’en reste-t-il dans les cœurs, dans les vies, dans les actions collectives aujourd’hui ?
Comment est-ce devenu possible que les chiffres des féminicides et des infanticides s’enflamment d’année en année ?
Que des enseignants soient agressés, violentés ou même tués parce qu’ils essaient de faire leur légitime travail d’information et d’éducation ?
Que des antennes des restos du cœur soient cambriolées et dévalisées.
Que dans les centres commerciaux, les administrations, l’on en soit arrivé à devoir « informer » que la violence et l’agressivité ne seront plus tolérées ?
Qu’un jeune homme à un arrêt de bus soit tué parce qu’il n’est pas en mesure de donner une cigarette à quelqu’un qui la lui réclame ?
Que lorsque quelqu’un se fait agresser, le premier réflexe soit de filmer et non de porter secours ?
Qu’une assistante sociale n’ose plus aller en soutien à des familles qui en ont besoin parce qu’elle est paralysée par la peur de traverser certains quartiers ?
Que les scènes de violence, les insultes, les menaces soient tellement devenues banales au sein de familles, de tout niveau social et économique, au point que les enfants considèrent que c’est normal et en font un modèle lors de leurs propres interactions relationnelles et sociales et qu’ils en viennent même parfois à retourner cette violence contre eux…
La liste pourrait être encore longue de ces constats générateurs de désespérance devant la dégradation générale des relations humaines et sociales.
Que faire ? Comment s’impliquer, soutenir, participer ? Nous pouvons trouver à agir dans notre environnement, chacun à son niveau, en fonction de ses possibilités, c’est important. Mais il me semble que l’essentiel est un travail profond autour des valeurs étiques et personnelles.
Comment convaincre un enfant de suivre quelques règles fondamentales de communication si moi, parent, je hurle, je casse, j’insulte au quotidien ?
Comment lui donner le sens du respect de ses enseignants si moi, je remets en cause au quotidien l’investissement de ceux-ci ?
Comment pourrait-il apprendre à être attentif et bienveillant envers autrui si moi je viens, sous son regard, indûment prendre une place réservée aux personnes à mobilité réduite, que ce soit dans la rue ou au supermarché ?
Qu’est-ce qui fait que moi, j’exige de l’autre ce que je n’arrive pas à m’appliquer à moi-même ?
Tant d’interrogations sans réponse et sans possibilité de changement tant que l’on ne se pose pas les questions de l’ordre de « comment cela se fait-il, d’où cela vient-il ? ».
De quoi cela parle-t-il concernant mes propres vécus douloureux précoces, mes colères rentrées, mes frustrations non dépassées, les culpabilités conscientes ou non générées par tout ce qui n’a pas fait sens dans mon enfance et qui a installé des croyances tellement ancrées que j’en ai fait des réalités indéfectibles.
Tous les endroits où je n’ai pas été suffisamment accueilli dans mon besoin d’apprendre, de comprendre ce que l’on attendait de l’enfant que j’étais, tous ces jugements à mon égard « mais qu’il est maladroit cet enfant ! » que j’ai pris pour argent comptant et auxquels je me suis adapté, me préparant à porter injonctions, messages contradictoires et culpabilité comme un fardeau incontournable, espérant ainsi être aimé.
Comment ne pas comprendre que toute cette aigreur se soit transformée en agressivité, en projection sur l’autre des causes de mon propre inconfort psycho-émotionnel, de ma propre
insécurité affective.
Alors, qu’est que je peux faire pour que ça change au fond de moi, autour de moi, dans ma relation à moi-même et aux autres, proches d’abord, puis plus largement dans le contexte relationnel et social ?
Janvier 2025, c’est l’heure des vœux que l’on adresse autour de soi, quelquefois dans un élan sincère et affectueux et souvent par convention.
Et si l’on commençait par s’exprimer à soi-même les souhaits que nous avons de mieux se connaître pour mieux se comprendre, mieux se respecter et ainsi être à même d’émaner de plus de douceur et d’accueil de l’autre, des autres, peut-être qu’ils auraient, un peu, un tout petit peu, envie d’en faire autant.
Et, qui sait, cela pourrait peut-être faire « boule de neige ».
C’est ce que je nous souhaite pour cette nouvelle année et pour celles qui vont suivre.